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FINETTE CENDRON.

femmes vinssent pour chausser la mule, et que celle à qui elle serait propre, épouserait le prince. Chacune ayant entendu de quoi il était question, se décrassa les pieds avec toutes sortes d’eaux, de pâtes et de pommades. Il y eut des dames qui se les firent peler, pour avoir la peau plus belle ; d’autres jeûnaient ou se les écorchaient afin de les avoir plus petits. Elles allaient en foule essayer la mule, une seule ne la pouvait mettre ; et plus il en venait inutilement, plus le prince s’affligeait.

Fleur-d’Amour et Belle-de-Nuit se firent un jour si braves, que c’était une chose étonnante. Où allez-vous donc ? leur dit Finette. — Nous allons à la grande ville, répondirent-elles, où le roi et la reine demeurent, essayer la mule que le fils du roi a trouvée ; car si elle est propre à l’une de nous deux, il l’épousera et nous serons reines. — Et moi, dit Finette, n’irai-je point ? — Vraiment, dirent-elles, tu es un bel oison bridé ; va, va arroser nos choux : tu n’es propre à rien.

Finette songea aussitôt qu’elle mettrait ses plus beaux habits, et qu’elle irait tenter l’aventure comme les autres, car elle avait quelque petit soupçon qu’elle y aurait bonne part ; ce qui lui faisait de la peine, c’est qu’elle ne savait pas le chemin, le bal où l’on allait danser n’était point dans la grande ville. Elle s’habilla magnifiquement,