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LA CHATTE BLANCHE.

Le couvert était mis, il y en avait deux, chacun garni de son cadenas d’or ; le buffet surprenait par la quantité de vases de cristal de roche et de mille pierres rares.

Le prince ne savait pour qui ces deux couverts étaient mis, lorsqu’il vit des chats qui se placèrent dans un petit orchestre ménagé exprès ; l’un tenait un livre avec des notes les plus extraordinaires du monde, l’autre un rouleau de papier dont il battait la mesure, et les autres avaient de petites guitares. Tout d’un coup chacun d’eux se mit à miauler sur différents tons, et à gratter les cordes des guitares avec leurs ongles ; c’était la plus étrange musique que l’on ait jamais entendue.

Il rêvait aux différentes choses qui lui étaient déjà arrivées dans ce château, lorsqu’il vit entrer une petite figure qui n’avait pas une coudée de haut. Cette bamboche se couvrait d’un long voile d’un crêpe noir. Deux chats la menaient ; ils étaient vêtus de deuil, en manteau, et l’épée au côté ; un nombreux cortége de chats venaient après ; les uns portaient des ratières pleines de rats, et les autres des souris dans des cages…

Le prince ne sortait point d’étonnement ; il ne savait que penser. La figurine noire s’approcha ; et levant son voile, il aperçut la plus belle petite Chatte blanche qui ait jamais été et qui sera jamais. Elle avait l’air fort jeune et fort triste ; elle se mit à faire un miaulis si doux et si charmant, qu’il allait droit au cœur ; elle dit au prince Fils de roi, sois le bienvenu, ma miaularde majesté te voit avec plaisir. — Madame la Chatte, dit le prince, vous êtes bien généreuse de me recevoir avec tant d’accueil, mais