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LA CHATTE BLANCHE.

vous ne me paraissez pas une bestiole ordinaire ; le don que vous avez de la parole, et le superbe château que vous possédez, en sont des preuves assez évidentes. — Fils de roi, reprit Chatte blanche, je te prie, cesse de me faire des compliments, je suis simple dans mes discours et dans mes manières, mais j’ai un bon cœur. Allons, continua-t-elle, que l’on serve, et que les musiciens se taisent, car le prince n’entend pas ce qu’ils disent. Et disent-ils quelque chose, madame ? reprit-il. Sans doute, continua-t-elle, nous avons ici des poëtes qui ont infiniment d’esprit, et si vous restez un peu parmi nous, vous aurez lieu d’en être convaincu. — Il ne faut que vous entendre pour le croire, dit galamment le prince.

L’on apporta le souper ; les mains dont les corps étaient invisibles servaient. L’on mit d’abord sur la table deux bisques, l’une de pigeonneaux, et l’autre de souris fort grasses. La vue de l’une empêcha le prince de manger de l’autre, se figurant que le même cuisinier les avait accommodées ; mais la petite Chatte l’assura que sa cuisine était à part, et qu’il pouvait manger de ce qu’on lui présenterait, avec certitude qu’il n’y aurait ni rats, ni souris.

Le prince ne se le fit pas dire deux fois. Il remarqua qu’elle avait à sa patte un portrait fait en table ; cela le surprit. Il la pria de le lui montrer, croyant que c’était maître Minagrobis. Il fut bien étonné de voir un jeune homme si beau, qu’il était à peine croyable que la nature en pût former un tel, et qui lui ressemblait si fort, qu’on n’aurait pu le peindre mieux. Le prince vit bien qu’il y avait quelque chose d’extraordinaire là-dessous ; cepen-