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Page:Aulnoy - Relation du Voyage d'Espagne, 1705, tome 1.djvu/13

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d’Espagne.

Il n’eut pas de peine à me ſatisfaire ; parce qu’étant homme de Qualité & de merite, on le conſidere fort à Bayonne ; il ne manqua pas dés le lendemain de m’amener pluſieurs Dames me rendre viſite ; c’eſt la coutume en ce Païs, d’aller voir les dernières venues, lorſqu’on eſt informé quelles elles ſont.

Elles commencent là de ſe reſſentir des ardeurs du Soleil ; leur tein eſt un peu brun ; elles ont les yeux brillans ; elles ſont aimables & careſſantes ; leur eſprit eſt vif, & je vous rendrois mieux raiſon de leur enjouëment ſi j’euſſe entendu ce qu’elles diſoient ; ce n’eſt pas qu’elles ne ſçachent toutes parler François : mais elles ont tant d’habitude au langage de leur Province, qu’elles ne peuvent le quitter ; & comme je ne le ſçai point, elles faiſoient entr’elles d’aſſez longues converſations où je n’entendois rien.

Quelques-unes qui vinrent me voir, avoient un petit Cochon de lait ſous le bras, comme nous portons nos petits Chiens ; il eſt vrai qu’ils étoient fort décraſſez, & qu’il y en avoit pluſieurs avec des Colliers de rubans de differentes couleurs : mais vous conviendrez que c’eſt une inclination fort bizarre, & je ſuis perſuadée qu’il y en a beaucoup entre elles, dont le goût eſt trop bon pour s’accommoder de cette coûtume. Il fallut lors qu’elles danſerent, laiſſer aller dans la chambre