Aller au contenu

Page:Aulnoy - Relation du Voyage d'Espagne, 1705, tome 1.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
Relat. du Voyage

ces vilains animaux, & ils y firent plus de bruit que des Lutins. Ces dames dancerent à ma priere, le Baron de Caſtelnau ayant envoyé querir les Flutes & les Tabourins. Pour vous faire entendre ce que c’eſt, il faut vous dire qu’un homme jouë en même tems d’une eſpece de Fifre & du Tabourin, qui eſt un Inſtrument de bois fait en triangle & fort long, à peu prés comme une Trompette marine, montée d’une ſeule corde, qu’on frape avec un petit bâton, cela rend un ſon de Tambour aſſez ſingulier.

Les hommes qui étoient venus accompagner les Dames ; prirent chacun celle qu’il avoit amenée, & le branle commença en rond, ſe tenant tous par la main ; enſuite ils le firent donner des cannes aſſez longues, ne ſe tenant plus que deux à deux avec des mouchoirs qui les éloignoient les uns des autres ; leurs airs ont quelque choſe de guai & de fort particulier, & le ſon aigu de ces Flutes ſe mélant à celui des Tabourins, qui eſt aſſez guerrier, inſpire un certain feu qu’ils ne pouvoient moderer ; il me ſembloit que c’étoit ainſi que ſe devoit dancer la Pirrique dont parlent les Anciens, car ces Meſſieurs & ces Dames faiſoient tant de tours, de ſauts & de cabriolles, leurs cannes ſe jettoient en l’air & ſe reprenoient ſi adroitement, que l’on ne peut décrire leur legereté & leur ſoupleſſe. J’eus auſſi beaucoup de plaiſir à les voir :