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Page:Aunet - Voyage d’une femme au Spitzberg, 1872.pdf/271

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AU SPITZBERG.

habitants de Kautokeino ; ils examinaient curieusement chacun de nous, chaque objet de notre bagage, et se livraient à notre sujet à une conversation fort animée et malheureusement fort incompréhensible pour moi. Au milieu des groupes s’agitait et pérorait d’une voix aigre et exténuée une petite vieille hideuse ; vous n’avez jamais rêvé une fée malfaisante plus parfaitement horrible. Représentez-vous un amas de peaux de bêtes haut de trois pieds et demi à peine, d’où sortaient de petites mains maigres, sèches et noires comme celles d’un singe, et une petite figure plissée, ratatinée, rugueuse, basanée, pareille à un cuir de bottes qui aurait été exposé au feu et à l’eau alternativement pendant longues années. Cette stryge idéale, plus hardie que ses compagnons, s’approchait tout près de nous, regardant, touchant et dérangeant toutes choses sans se préoccuper des observations de l’interprète ; elle n’en tenait compte et continuait à fouiller. Il arriva qu’elle tira d’un de nos sacs le costume de femme mis en réserve pour le moment où je quitterais mon vêtement d’homme ; parmi les pièces de ce costume était un châle de chenille bleue, très-grand et très chaud ; quoique fripé et passablement déteint par son séjour au fond du sac de cuir, il parut plaire à la vieille : elle s’en empara et parut émerveillée de la douceur de ce tissu inconnu ; elle plongeait et replongeait ses abominables petites griffes dans la chenille avec une volupté grotesque, et cherchait à tirer quelques fils pour se rendre compte de la manière dont était faite cette étoffe si moelleuse. Elle s’interrompit pourtant pour adresser vivement la parole à un