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VOYAGE D’UNE FEMME

jeune Lapon, auquel elle parut donner un ordre avec beaucoup d’insistance ; celui-ci s’éloigna à regret ; j’appelai François et l’interprète, je voulais savoir ce qu’avait dit cette sorcière.

« Demandez-lui où elle a envoyé ce jeune garçon, dis-je à mes hommes.

— Madame, elle a envoyé chercher sa mère.

— Sa mère ? Vous aurez mal compris ; cette vieille ne peut pas avoir sa mère, elle a au moins quatre-vingt-dix ans. Demandez-lui son âge.

— Elle n’a que quatre-vingt-quatre ans, madame. »

Le que de l’interprète me fit rire.

« Si sa mère vit encore, combien a-t-elle donc de siècles ?

— La mère a cent trois ans. »

Ceci était catégorique. Je devins fort impatiente de voir une Laponne centenaire : mon attente ne fut pas de longue durée, au bout de dix minutes, je vis arriver une sorte de momie douée de mouvement. C’était la mère ; elle n’était pas très-différente de sa fille : elle était plus maigre et plus rentrée en elle-même ; sa hauteur totale ne devait pas dépasser trois pieds. Elle marchait assez vite en s’appuyant sur un bâton, et ses petits yeux, quoique fort larmoyants, brillaient de vitalité : somme toute, elle était beaucoup mieux pour son âge que sa fille. Elle partagea l’admiration de l’autre pour le châle, et me fit demander quel était l’animal dont la laine était aussi douce.

« Ce n’est pas de la laine, c’est de la soie. »

Elles ne parurent pas comprendre le mot soie, mais quand, sur mon ordre, l’interprète ajouta que