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FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

du 18 juillet 1910 [30]




EMMA


par Jane Austen


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Traduction de M. PIERRE DE PULIGA


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La somptueuse décoration de leur nouvelle salle à manger faisait prévoir qu’ils se préparaient à donner des dîners ; déjà plusieurs célibataires avaient été conviés. Emma ne pouvait approuver ces velléités ambitieuses : s’étendraient-elles aux premières familles du pays ? Pour sa part, elle était bien décidée à repousser toute avance et elle regrettait que les habitudes bien connues de son père n’enlevassent, le cas échéant, une grande signification à ce refus ; sans doute, les Cole étaient très respectables, mais il convenait de leur montrer qu’il ne leur appartenait pas de modifier les termes de leurs relations avec les familles occupant un rang social supérieur au leur. La leçon serait malheureusement incomplète : elle avait peu d’espoir en la fermeté de M. Knightley, aucun en celle de M. Weston.

Emma avait pris position si longtemps à l’avance que le moment venu, ses dispositions s’étaient considérablement modifiées : elle n’était plus bien sûre maintenant de ne pas désirer l’invitation qu’elle redoutait un mois auparavant, mais elle n’avait pas la faculté d’option : les Weston et M. Knightley devaient, en effet, dîner le mardi suivant chez les Cole et ni M. Woodhouse ni sa fille n’avaient été priés. Au cours de leur promenade de la veille, Frank Churchill avait manifesté son désappointement


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