Aller au contenu

Page:Austen - Emma.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

en apprenant que Mlle Woodhouse ne serait pas au nombre des convives. Emma trouvait insuffisante l’explication donnée par Mme Weston : « Ils ne prendront sans doute pas la liberté de vous inviter, sachant que vous ne dînez jamais en ville. » Le splendide isolement auquel sa grandeur la condamnait lui pesait singulièrement.

Ce fut donc sans déplaisir qu’Emma prit connaissance de la lettre de Mme Cole ; après avoir mis M. et Mme Weston au courant, elle ajouta : « Naturellement, nous ne pouvons accepter », mais en même temps elle s’empressa de leur demander avis : ils furent tous deux nettement favorables à l’acceptation.

Après quelques objections de pure forme, Emma ne cacha pas qu’elle était touchée des égards témoignés à son père et du tact avec lequel la demande était formulée : « Ils auraient déjà sollicité l’honneur de les recevoir, mais ils avaient attendu l’arrivée d’un paravent commandé à Londres : ils espéraient maintenant être en mesure d’éviter à M. Woodhouse toute espèce de courant d’air. » Finalement, elle se rendit aux moyens de concilier l’absence d’Emma avec le confort de M. Woodhouse : il fut convenu qu’à défaut de Mme Bates on prierait Mme Goddard de tenir dîner à Hartfield ce soir là. Emma ne désirait pas, en effet, que son père acceptât personnellement ; les heures ne pouvaient lui convenir et l’assemblée serait trop nombreuse. Il restait à lui faire envisager la possibilité de se séparer de sa fille pendant une soirée : il s’y résigna sans trop de difficultés.

— Je n’aime pas dîner en ville, dit-il, ni Emma non plus. À mon avis, il aurait beaucoup mieux valu que M. et Mme Cole fussent venus prendre le thé avec nous, un après-midi pendant la belle saison, en choisissant l’heure de la promenade, il leur eût été facile de rentrer avant l’humidité de soir : je ne voudrais exposer personne aux brouillards d’été ! Néanmoins, puisqu’ils désirent tant avoir Emma à dîner, je ne veux pas m’y opposer, à condition, toutefois,