Page:Austen - Emma.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

complimenter Mlle Bates ; celle-ci me donna aussitôt toutes les explications possibles : le piano était arrivé la veille de chez Broadwood ; personne ne s’y attendait ; Jane elle-même n’y comprenait rien ; elles sont maintenant persuadées que c’est un cadeau du colonel Campbell. Pour ma part, je n’ai aucun doute touchant la provenance de ce piano et leur hésitation m’a surprise ; mais Jane avait, paraît-il, reçu une lettre des Campbell tout dernièrement ne faisant aucune allusion de ce genre ; sans doute elle est à même de connaître leur manière d’agir, pourtant il me semble que leur silence peut s’expliquer par le désir de lui faire une surprise.

Tout le monde fut de l’avis de Mme Cole, et chacun exprima sa satisfaction d’un présent si approprié.

— Il y a longtemps qu’une nouvelle ne m’a fait autant de plaisir, continua Mme Cole. Une musicienne comme Jane Fairfax n’avoir pas un piano à elle ! C’était une vraie pitié, surtout si l’on pense au nombre de maisons où l’on voit de beaux instruments absolument inutiles : nous sommes dans ce cas, et je disais hier à M. Cole : « Je suis honteuse de regarder notre nouveau piano à queue en pensant à la pauvre Jane Fairfax qui n’a même pas à sa disposition une vieille épinette.

M. Cole était tout à fait de mon avis, mais il aime beaucoup la musique et il n’a pas résisté à faire cet achat ; peut-être nos bons voisins seront-ils assez aimables pour réhabiliter de temps en temps notre piano, c’est notre seule excuse ; Mlle Woodhouse ne nous refusera pas, je suis sûre, de l’essayer ce soir.

Emma acquiesça comme il convenait et, le sujet étant épuisé, elle se tourna vers Frank Churchill :

— Pourquoi souriez-vous, dit-elle.

— Permettez-moi de vous rétorquer la question ?

— Moi ! C’est sans doute de plaisir, en apprenant que le Colonel Campbell est si riche et si généreux. Voici un magnifique cadeau.