Page:Austen - Emma.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

daises :

elles ont été envoyées avec le piano. Rien d’étonnant venant d’un tel milieu. C’est une aimable pensée du colonel Campbell, n’est-ce pas ? Il savait que Mlle Fairfax ne pouvait pas se procurer de musique ici. Je tiens pour particulièrement touchante cette partie du présent ; rien n’a été fait vite, rien incomplètement. La véritable affection est seule capable de trouver des attentions aussi délicates.

Emma jeta un regard à la dérobée vers Jane Fairfax et surprit la trace d’un sourire : la rougeur cachait mal les marques d’une joie intérieure. À la suite de cette constatation, les scrupules et la commisération d’Emma s’évanouirent.

Elle se pencha pour examiner la musique avec son voisin et profita de l’occasion pour murmurer :

— Vous parlez trop clairement : elle ne peut faire autrement que de vous comprendre.

— Je l’espère bien. Je désire qu’elle me comprenne. Je n’ai nulle honte de ce que je pense.

— Mais moi j’en ai et je voudrais ne vous avoir jamais fait part de mon soupçon.

— Je suis bien content au contraire d’avoir été éclairé. J’ai maintenant une clé pour expliquer la bizarrerie de ses airs et de ses manières. Si elle nourrit des sentiments répréhensibles, il convient qu’elle en souffre.

— Je ne la crois pas absolument innocente.

— Je ne distingue pas bien les symptômes. Elle joue en ce moment Robin Adair, le morceau favori de la personne en question.

Peu après, Mlle Bates qui se tenait près de la fenêtre aperçut M. Knightley qui passait à cheval.