Page:Austen - Emma.djvu/71

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que je vous demande de m’autoriser à m’arrêter chez vous et à avoir recours à votre femme de charge qui me trouvera un bout de ruban ou de ficelle pour maintenir mon soulier.

Cette proposition parut causer à M. Elton un véritable ravissement ; il fit de la meilleure grâce du monde les honneurs de sa maison. La pièce où il les conduisit était celle qu’il occupait habituellement ; ils causèrent quelques instants, puis Emma suivie de la femme de charge, qui s’était mise entièrement à sa disposition, pénétra dans une chambre attenante ; la porte de communication se trouvait ouverte et elle fut forcée de la laisser entrebâillée : elle s’attendait à ce que M. Elton la fermât ; s’apercevant qu’il n’intervenait pas, Emma engagea aussitôt avec la femme de charge une conversation animée, afin de donner à M. Elton la possibilité d’aborder avec Harriet le sujet qu’il lui plairait. Au bout de dix minutes elle dut mettre un terme à l’entretien et à ses arrangements. Elle trouva les amoureux debout devant une des fenêtres ; les apparences étaient favorables et pendant une demi-minute elle goûta la gloire du triomphe. Elle apprit bientôt pourtant qu’aucun pas décisif n’avait été fait. M. Elton s’était montré particulièrement aimable et charmant ; il avait confié à Harriet qu’il les avait vues passer et que ce n’était pas sans intention qu’il avait pris le même chemin  ; il avait fait quelques allusions galantes, mais rien de sérieux. « Il est d’une extrême prudence, pensa Emma, il avance pas à pas et ne veut rien risquer jusqu’à ce qu’il sente sûr d’être agréé. »

Bien que le succès qu’elle escomptait n’eût pas couronné son ingénieux stratagème, Emma fut satisfaite, néanmoins, d’avoir procuré aux deux amoureux un tête-à-tête agréable qui hâterait probablement l’heureux dénouement.




XI


Il n’était plus désormais au pouvoir d’Emma de consacrer ses loisirs à veiller sur le bonheur de M. Elton. La prochaine arrivée de sa sœur