Page:Austen - Emma.djvu/72

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primait ses autres préoccupations ; pendant le séjour d’Isabelle à Hartfield elle prévoyait que les amoureux passeraient au second plan ; rien du reste ne les empêcherait d’avancer rapidement leurs affaires s’il leur plaisait. Elle commençait à trouver que certaines personnes s’en remettent trop volontiers aux autres du soin de leurs propres intérêts.

La venue de M. et Mme John Knightley provoquait cette année là un intérêt inaccoutumé. En effet depuis leur mariage ils avaient l’habitude de passer toutes leurs vacances, partie à Hartfield et partie à Donwell Abbey. Mais l’été précédent, sur le conseil du médecin, ils avaient conduit leurs enfants au bord de la mer. Il y avait donc plusieurs mois que M. Woodhouse n’avait pas vu sa fille et les enfants ; il était tout ému et nerveux à la pensée de cette trop courte visite. Pour le moment il était très préoccupé des risques auxquels selon lui étaient exposés les voyageurs et son inquiétude s’étendait à ses chevaux et à son cocher qui avaient été envoyés en relai à mi-chemin.

Ses alarmes furent vaines : les vingt-cinq kilomètres furent parcourus sans encombre, et M. et Mme John Knightley, avec leurs enfants, escortés d’un nombre respectable de bonnes, arrivèrent sains et saufs à Hartfield. La joie de se retrouver, tant de personnes à accueillir, l’attribution à chacun de son logement respectif provoquèrent une confusion et un brouhaha que les nerfs de M. Woodhouse n’aurait pu supporter à aucun autre moment ; cependant, tout rentra vite dans l’ordre, car les habitudes et les sentiments de son père étaient tenus en grande considération par Mme John Knightley : partout ailleurs sa sollicitude maternelle se fût enquis de l’installation de ses enfants ; elle eût désiré savoir, dès l’arrivée, s’ils se trouvaient dans les meilleures conditions pour manger, boire, dormir et s’amuser ; mais, à Hartfield, elle s’appliquait avant tout à ce qu’ils ne fussent pas une cause de fatigue pour son père.

(À suivre)