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LA VIE RURALE.

Il n’a qu’à voir passer dans l’ordre circulaire
Les jours et les saisons ; et chaque heure des jours,
Chaque pas de ces mois dont Dieu régla le cours,
Donne à l’air, donne au sol, donne à l’arbre, à la feuille,
Plus de riches couleurs qu’un pinceau n’en recueille.
Il suffit d’un zéphyr venu d’un point des cieux
Pour que l’espace entier se transforme à ses yeux ;
Et l’éternel tableau, grâces au Maître habile,
Marche éternellement devant l’homme immobile !

Ô cher artiste errant, ce système est le mien ;
Je l’ai pris de bonne heure et m’en suis trouvé bien.
S’il apporte avec soi peu de gloire en partage,
Pour moi, frêle rêveur, il a maint avantage :
Je puis, au jour naissant, partir pour mes coteaux,
Sans, pour cela, qu’il faille aiguiser des couteaux,
Et de lourds pistolets me garnir la ceinture.
Insoucieux, je vais, je marche à l’aventure,
Et sans guide, au besoin, je saurai m’égarer.
Que si, dans mon sentier, je viens à rencontrer
Quelque digne passant, homme d’honnête mine,
Ou pâtre ou bûcheron qui devers moi chemine,
Je l’accoste et lui dis : Bouen jour, tocco la man !
Sans avoir avec lui besoin d’un trucheman ;