Page:Autran - Œuvres complètes, t2, 1875.djvu/386

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
375
L’USINE.

Où va la mère, sombre et hâtive en chemin ?
Reprendre aussi la tâche et le joug inhumain ;
Dans une étroite chambre où l’on manque d’haleine,
Elle va jusqu’au soir tordre un fil, une laine,
Tresser, battre, carder, assouplir un tissu,
Exécuter sans fin l’ordre une fois reçu,
Et songer, tout le jour, à sa triste mansarde
Où pleure un nouveau-né que personne ne garde !
Où va, de son côté, le petit de douze ans ?
Recommencer à jeun des travaux épuisants ;
Dans un air ténébreux et chargé de blasphèmes,
Faire un métier mortel pour les hommes eux-mêmes ;
Il va, pour quelques sous qui lui sont disputés,
Subir tant de rigueurs, tant de brutalités,
Que l’enfant, au sortir de ce fatal repaire,
Regagne un jour le toit, plus flétri que son père.
Et l’aïeul, où va-t-il ? Ne parlons point d’aïeux.
Les hommes de trente ans sont ici les plus vieux !
Seigneur, Seigneur, enfin, loin de toute famille,
Sous sa pâleur malsaine, où va la jeune fille ?
Est-ce pour ces métiers où se jaunit le front,
Est-ce pour cette vie où l’âme se corrompt,
Est-ce pour cette honte et pour cette torture
Que vous mîtes au jour la frêle créature ?…