Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/167

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l’idée du danger auquel on s’exposait en propageant ces ouvrages. Diderot écrit, le 8 octobre 1768, à Sophie :

« Il vient d’arriver ici une aventure qui prouve que tous nos beaux sermons sur la tolérance n’ont pas encore porté de grands fruits. Un jeune homme bien né, les uns disent garçon apothicaire, les autres garçon épicier, avait dessein de faire un cours de chimie ; son maître y consentit, à condition qu’il payerait pension ; le garçon y souscrivit.

« Au bout du quartier, le maître demanda de l’argent, et l’apprenti paya. Peu de temps après, autre demande du maître, à qui l’apprenti représenta qu’il devait à peine un quartier. Le maître nia qu’il eût acquitté le précédent. L’affaire est portée aux juges consuls. On prend le maître à son serment : il jure. Il n’est pas plus tôt parjure, que l’apprenti produit sa quittance, et voilà le maître amendé, déshonoré : c’était un fripon qui le méritait ; mais l’apprenti fut au moins un étourdi, à qui il en a coûté plus cher que la vie. Il avait reçu, en payement ou autrement, d’un colporteur appelé Lécuyer, deux exemplaires du Christianisme dévoilé, et il avait vendu un de ces exemplaires à son patron. Celui-ci le défère au lieutenant de police. Le colporteur, sa femme et l’apprenti sont arrêtés tous les trois ; ils viennent d’être piloriés, fouettés et marqués, et l’apprenti condamné à neuf ans de galères, le colporteur à cinq ans, et la femme à l’hôpital pour toute sa vie. »

Voltaire lui-même, dans sa retraite, n’était pas à l’abri des coups dirigés contre les auteurs de livres