Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/201

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Parmi le grand nombre des gens de talent, qui faisaient partie de la société de M. et madame Necker, l’absence des économistes n’aura pas échappé. Déjà l’opposition théorique, devenue plus tard une rivalité politique entre les philosophes et les économistes, commençait à se dessiner.

Quand madame Necker forma son salon, elle n’eut garde d’oublier Diderot. En 1765, il écrivait à Sophie[1] : « À propos, savez-vous qu’il ne tient qu’à moi d’être vain ! Il y a ici une madame Necker, jolie femme et bel esprit qui raffole de moi : c’est une persécution pour m’avoir chez elle. Suard lui fait sa cour avec une assiduité à tromper M. de ***, aussi le pauvre M. de *** l’est-il parfaitement, comme vous en jugerez par la mauvaise plaisanterie que je vais vous dire ! « Eh bien, lui disait M. ***, quelques jours avant son départ, on ne vous voit plus, tendre grenouille ? — Qu’est-ce que cela signifie, tendre grenouille ? — Eh ! oui, est-ce que vous ne passez pas à présent vos jours et vos nuits à soupirer au Marais. » Madame Necker demeure au Marais. C’est une Genevoise sans fortune, qui a de la beauté, des connaissances et de l’esprit, à qui le banquier Necker vient de donner un très-bel état. »

L’empressement de madame Necker à attirer chez elle les gens de lettres montre que cette habile personne avait conscience du profond changement qui s’était accompli depuis dix ans dans les rapports

  1. Lettre du 18 août.