Page:Azaïs - Jugement philosophique sur J.J. Rousseau et sur Voltaire.djvu/59

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différence extrême que la nature avait mise entre leurs caractères et leurs facultés. L’oubli des soins qui mènent à la fortune est un des défauts naturels aux hommes de génie, et l’une des principales compensations attachées à leurs avantages. Ce n’est pas qu’ils méprisent la fortune ; ce mépris, dans ceux qui le montrent, n’est que folie ou ostentation. Ils ne ressensblent pas non plus à certains hommes négligens, qui sont trop paresseux, trop faibles, trop désordonnés, pour pouvoir prendre les peines à l’aide desquelles les hommes actifs acquièrent des biens ou les conservent. Les hommes de génie ont une grande activité de pensée ; mais la direction de cette activité est à la fois très-vive et unique ; elle se concentre exclusivement sur les idées qui peuvent se prêter à des sentimens énergiques et à des méditations étendues. Tant que dure cet état de force, d’enthousiasme, de volupté féconde et tout intérieure, les hommes de génie ne souffrent point de l’obscurité, des privations de l’indigence ; ils jouissent au contraire.d’une situation qui a pour avantage de recueillir leur âme, en écartant les moyens d’éclat ; et de dissipation et cette situation même, dans laquelle ils s’enfoncent avec délices, échauffe encore leur enthou-