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INTRODUCTION


Voici, sur un sujet léger, un livre pesant. Quelques-uns m’en feront reproche : les fabliaux étant les contes joyeux du moyen âge, à quoi bon alourdir ces amusettes par le plomb des commentaires érudits ? Que nous importent, après tout, ces facéties surannées ? Ne suffisait-il pas de rire un instant de ces contes à rire, — et de passer ?

Pourtant j’ai traité gravement cette matière frivole. C’est à ces joyeusetés, voire à ces grivoiseries, que j’ai consacré, à l’âge des longs espoirs, mon premier et plus sérieux effort.

Ce n’est pas que je me range à l’opinion néfaste selon laquelle tout objet de science mérite égale attention. C’est une tendance commune à beaucoup d’érudits de s’enfermer dans leur sujet, sans se soucier autrement de son importance, grande ou menue. Volontiers, ils s’en tiennent à la recherche pour la recherche, et professent que toute investigation, quel qu’en soit l’objet, vaut ce que vaut celui qui l’entreprend. Les résultats qu’ils obtiennent serviront-ils jamais à personne ? Ils laissent à d’autres, sous prétexte de désintéressement scientifique, le soin d’en décider. Or, comme une phrase n’a toute son importance que dans son contexte, un animal dans sa série, un homme dans son milieu historique, de même les faits littéraires ne méritent l’étude que selon qu’ils intéressent plus ou moins des