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groupes de faits similaires plus généraux, et une monographie n’est utile que si l’auteur a clairement perçu ces rapports. Il est bon de se rappeler ce mot de Claude Bernard, plaisant, mais profond. Un jeune physiologiste lui présentait un jour une longue monographie d’un animal quelconque, soit le crotale ou le gymnote. Claude Bernard lut le livre. « J’estime, dit-il à l’auteur, votre conscience ; je loue votre labeur. Mais à quoi serviraient, je vous prie, ces trois cents pages, si, par hasard, le gymnote n’existait pas ? »

Bien que je ne sois jamais réellement sorti de mon sujet, pourtant, si par hasard les fabliaux n’existaient pas, il resterait peut-être quelque chose du présent travail.

Car l’étude de nos humbles contes à rire du xiiie siècle, indifférents par eux-mêmes, peut contribuer à la solution de problèmes plus généraux.

C’est pourquoi je me soucie peu qu’on me critique d’avoir pris trop aux sérieux ces contes gras ; mais je redoute, au contraire, de la part des savants qui sont au courant du sujet, le juste reproche de n’avoir pas craint, en ce livre de débutant insuffisamment armé, d’aborder de front ces problèmes.

Ils sont de deux sortes.

En tant que les fabliaux sont, pour la plupart, des contes traditionnels, qui vivaient avant le XIIIe siècle et qui vivent encore aujourd’hui, ils font partie du trésor des littératures populaires ; ils avoisinent les contes merveilleux et les fables, et comme tels intéressent les folk-loristes ; car la question de leur origine et de leur transmission se pose pareillement pour eux et pour les autres groupes de contes populaires.

D’autre part, comme constituant un genre littéraire distinct, propre au moyen âge français, les fabliaux inté-