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L’ART
DU
FACTEUR D’ORGUES
Par D. François Bedos de Celles, Bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur, dans l’Abbaye de S. Denys en France ; de l’Académie Royale des Sciences de Bordeaux & Correſpondant de celle de Paris.

TROISIEME PARTIE.


AVANT-PROPOS.

1262 Ceux qui ſe propoſent de faire conſtruire un Orgue ſont aſſez généralement dans l’uſage de s’adreſſer pour l’exécution aux Organiſtes, & de les charger de tout le détail de l’entrepriſe. Cette confiance ne ſeroit pas ſans doute déplacée, ſi l’on avoit le bonheur de trouver aiſément des Calvieres, des Fouquets, des Couperins, des Balbatres, &c. Mais qu’on eſt à plaindre, quand à la place de ces grands hommes, on ſe livre aveuglément à la diſcrétion du premier venu, & qu’on ſe confie ſans choix & ſans diſcernement à tout Organiſte ! Il n’en eſt aucun, ſur-tout des plus minces, qui ne croie de bonne-foi être en état de diriger la facture de ce grand Inſtrument ; & dès qu’il en eſt chargé on le voit trancher & décider à ſon gré ſur tout l’Ouvrage. C’eſt lui qui fait le Devis, qui choiſit le Facteur, qui traite avec lui, qui diſpoſe, en un mot, qui arrange le tout ſelon ſon goût particulier, ou ſa maniere favorite de toucher l’Orgue. Quelle mépriſe de la part de ceux qui font faire l’Orgue, ou plutôt quelle préſomption dans cet Organiſte !

Le croira-t-on ? j’en ai connu de ces Organiſtes médiocres, dont les uns rejettoient les Pédales, parce qu’ils n’étoient point dans l’habitude de ſ’en ſervir : les autres n’y admettoient qu’une octave, ou une octave & demie, parce qu’ils n’auroient ſu faire uſage des deux pieds, ſi elles euſſent eu une plus grande étendue. Celui-ci n’y veut point de ravalement, parce qu’il ne ſ’en ſert jamais :