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Nés dans le Nord, sous un vent de colère,
Figurons-nous ce ciel délicieux.
À le peupler l’homme a dû se complaire.
Le vin de Chypre a créé tous les dieux.

Les yeux en l’air le bon homme Hésiode
Cherchait jadis des dieux à noms ronflants.
Faute d’idée, il allait faire une ode ;
De Chypre arrive une outre aux larges flancs.
Mon Grec s’enivre et sur Pégase il grimpe,
Chaud du nectar qui pousse au merveilleux.
L’outre était pleine ; il en sort un olympe.
Le vin de Chypre a créé tous les dieux.

Aux déités, fables des vieux empires,
Nous opposons des diables peu tentants ;
Des loups-garoux, des goules, des vampires,
Du moyen âge aimables passe-temps.
Fi des damnés, des spectres et des tombes !
Fi de l’horrible ! il est contagieux.
Chauve-souris, faites place aux colombes.
Le vin de Chypre a créé tous les dieux.

Anacréon, Ménandre, Eschyle, Homère,
Ont dans ce vin bu l’immortalité.
Ah ! versez-m’en, et ma lyre éphémère
Pour l’avenir peut-être aura chanté.
Non ; mais, d’amours conduisant une troupe,
Hébé pour moi quitte un moment les cieux.
En souriant elle remplit ma coupe.
Le vin de Chypre a créé tous les dieux.