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ADIEU, CHANSONS


Air du Tailleur et de la Fée, ou d’Agéline (Air noté )


Pour rajeunir les fleurs de mon trophée,
Naguère encor, tendre, docte, ou railleur,
J’allais chanter, quand m’apparut la fée
Qui me berça chez le bon vieux tailleur.
« L’hiver, dit-elle, a soufflé sur ta tête ;
« Cherche un abri pour tes soirs longs et froids.
« Vingt ans de lutte ont épuisé ta voix,
« Qui n’a chanté qu’au bruit de la tempête. »
Adieu, chansons ! mon front chauve est ridé.
L’oiseau se tait ; l’aquilon a grondé.

« Ces jours sont loin, poursuit-elle, où ton âme
« Comme un clavier, modulait tous les airs ;
« Où la gaieté, vive et rapide flamme,
« Au ciel obscur prodiguait ses éclairs.
« Plus rétréci, l’horizon devient sombre ;
« Des gais amis le long rire a cessé.
« Combien là-bas déjà t’ont devancé !
« Lisette même, hélas ! n’est plus qu’une ombre.
Adieu, chansons ! mon front chauve est ridé.
L’oiseau se tait ; l’aquilon a grondé.