Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/193

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voilà sa vocation, voilà le secret de sa naissance[1]. »

M. Marchangy ajoute que cette chanson fut imprimée clandestinement, qu’elle était calculée pour agir sur l’esprit des soldats, et pour seconder des machinations coupables. Cette démonstration lui fournit un moyen oratoire. Il discute ensuite le chef de prévention relatif aux offenses contre la personne du roi, et termine en ces mots :

« Certes, la gaîté française a des droits ; mais si elle devenait tellement exigeante qu’il fallût lui sacrifier l’honnêteté publique, la religion, les lois, le bon ordre et les bonnes mœurs ; si elle ne devait vivre désormais qu’aux dépens de la décence, de la foi, de la fidélité ; mieux vaudraient la tristesse et le malheur, car du moins il y aurait là de graves sentiments qui ramèneraient à l’espérance et à la Divinité.

« Oui, la gaîté française a bien des droits ; mais, au lieu de la chercher dans la fange de l’impudicité et dans l’aride poussière de l’athéisme, qu’elle butine, ainsi que l’abeille, sur tant de sujets aimables et gracieux qu’ont effleurés des chansonniers célèbres, dont la gloire innocente est une des belles fleurs de notre Pinde. Eh quoi ! sera-t-elle plus expansive et plus libre, quand, au milieu d’un festin de famille et de bon voisinage, elle aura insulté à la piété d’un convive et blessé ses opinions ; quand elle aura appris à l’artisan, au laboureur courbé sous de pénibles travaux, des couplets impies contre une religion qui venait le consoler, et contre un Dieu qui promet d’essuyer les sueurs et les larmes ?

« Ah ! si le caractère français a perdu de son en-

  1. Ici M. l’avocat-général a donné lecture d’une lettre du ministre de la police (M. Mounier), qui dénonce cette chanson comme ayant été répandue et chantée dans les casernes.