Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/243

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C’est l’ouvrage imprudent des ministres. Non, ce n’est pas le roi qui veut tous ces procès. S’il en était instruit, s’il savait qu’on plaide aujourd’hui pour lui en réparation d’offenses, il dirait, avec la même grandeur d’âme que cet empereur romain dont on avait brisé la statue (empereur que je ne nomme pas dans la crainte de prendre encore Titus pour Néron[1]) : Je ne me sens point blessé.

« Mais n’allons pas chercher des leçons ailleurs que dans notre propre histoire ; elle nous offre des exemples de tous les genres d’héroïsme : interrogeons la vie de Louis XII. — « Les courtisans déprimaient Louis XII ; s’efforçant de faire passer sa vigilance et son économie pour une petitesse d’esprit et une avarice sordide, ils ne se donnèrent pas même la peine de cacher leurs sentiments. — Ne pouvant le faire changer par leurs plaintes, ils firent usage du ridicule, arme toujours puissante sur l’esprit de la nation. Après cette dangereuse maladie qui avait menacé les jours de Louis et qui avait causé des alarmes si vives, une tristesse si profonde à tous les vrais Français, des comédiens osèrent le produire sur la scène, pâle et défiguré, la tête enveloppée de serviettes, et entouré de médecins qui considéraient entre eux sur la nature de son mal. S’étant accordés à lui faire avaler de l’or potable, le malade se redressait sur ses pieds, et paraissait ne plus sentir d’autre infirmité qu’une soif ardente. Informé du succès de cette farce, Louis dit froidement : J’aime beaucoup mieux faire rire les courtisans de mon avarice, que de faire pleurer mon peuple de mes profusions. — On

  1. Allusion au plaidoyer pour M. Bavoux, dans lequel M. Dupin, improvisant sa réplique, avait attribué à Titus le vellem nescire litteras de Néron.