Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/293

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du parlement qui condamnait l’ouvrage à être lacéré et brûlé par la main de l’exécuteur des hautes-œuvres, fut imprimé, lu et affiché par ordre du parlement lui-même.

« L’Histoire philosophique de Raynal fut aussi condamnée à être lacérée et brûlée par la main du bourreau (car alors on condamnait les écrits à la peine capitale) ; l’arrêt de condamnation fut imprimé et affiché : les vétérans de la littérature se rappellent encore de l’avoir lu, et l’un d’eux m’a avoué avec naïveté que c’est après cette lecture qu’il est allé acheter l’ouvrage.

« Après que l’Émile de Rousseau eut été condamné par arrêt du parlement à la même peine, l’archevêque de Paris transcrivit dans un mandement plusieurs passages de ce livre, pour les réfuter, et ce mandement fut affiché dans toutes les églises.

« Lorsque Buffon publia son Histoire générale, il fut censuré par la Sorbonne ; l’acte de censure relata quatorze passages dans lesquels on l’accusait d’attaquer la doctrine des livres saints. Buffon, que ces censures n’arrêtèrent point, continua l’impression de son ouvrage, et fit insérer dans le tome iv de son Histoire naturelle l’acte de censure avec les quatorze passages censurés ; il y joignit même une réfutation ; et, ce qui est fort remarquable, son ouvrage fut non seulement publié avec privilège du roi, mais encore sortit des presses de l’Imprimerie royale.

« Ainsi, dans l’ancienne législation, permission d’imprimer tous les arrêts, avec les passages qu’ils condamnaient, sans que jamais on ait vu là une récidive ; et pourtant alors la procédure était secrète, les accusés étaient privés de défenseur ; les tribunaux pouvaient condamner, sans autre explication,