Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/304

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aucun fait, supprimé aucune circonstance ; d’avoir, en imprimant la relation d’une audience criminelle, rapporté la teneur d’une pièce lue dans cette audience : notre faute est d’être trop exempts de faute ; moins fidèles, moins scrupuleux, nous ne serions pas en accusation.

« Chose étrange ! c’est au moment où l’on porte des lois contre l’infidélité dans le compte rendu des débats judiciaires ; c’est alors, dis-je, que l’on vous propose de punir un éditeur coupable de fidélité dans le compte rendu d’un débat judiciaire ! Ainsi, dans le même instant, on demande des lois contre l’infidélité, et des jugements contre la fidélité !

« Si l’inexactitude est un devoir, pourquoi fait-on des lois contre elle ? Si l’exactitude est un devoir, pourquoi sommes-nous devant la cour d’assises ?

« Faut-il maintenant appeler l’usage au secours des principes ? Examinons l’usage.

« L’usage est ici d’une grande influence ; il établit le droit : à défaut du droit, il établirait encore la bonne foi, toujours exclusive du délit en matière criminelle.

« L’usage établit le droit. Cette vérité ne saurait être méconnue. L’usage est la sanction la plus solennelle, la promulgation la plus authentique des lois. Quand, durant de longues années, quand, sous plusieurs législations successives, les citoyens ont joui constamment et sans trouble d’une faculté, l’exercice de cette faculté devient pour eux un droit acquis, qu’une loi nouvelle pourra restreindre s’il offre des dangers, mais que jusque-là nul pouvoir ne peut leur disputer. Ils suivent la foi sociale ; ils usent de ce qui existe : c’est leur propriété, c’est leur droit.