Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/305

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« S’il en était autrement, la justice ne serait plus qu’un piége tendu à la confiance des citoyens. Comment savons-nous qu’un acte est licite ou criminel ? N’est-ce pas par la pratique universelle, par l’expérience journalière ? Quoi ! j’aurai vu faire une chose à tout le monde, autour de moi, avant moi, sans que l’autorité publique ait élevé jamais une seule plainte ; et il faudra que, par une sorte d’inspiration, de science surnaturelle, je devine que cette chose est défendue, et défendue pour moi seul ! Ainsi la loi ne sera plus qu’un privilège ; elle perdra ce caractère de généralité qui seul assure sa pureté en assurant sa justice ; elle ne sera plus qu’une arme secrète qu’on pourra diriger à volonté contre quelques individus ! La Justice me frappera sans m’avertir ; et, parce que j’aurai pris confiance dans l’état des choses établi, dans la possession constante, sévère seulement à mon égard, le ministère public pourra fondre inopinément sur moi, me traîner au pied des tribunaux ! S’il en était ainsi, nul d’entre nous ne serait assuré de n’être pas, à chaque instant de sa vie, appelé devant la cour d’assises ; car il n’est pas un de nous qui, dans les actes de sa vie, ne prenne pour guide l’opinion commune et l’usage établi.

« Telle est, au contraire, la force de l’usage, qu’il abroge même des lois existantes. Les lois que l’on n’exécute point tombent en désuétude, et les jurisconsultes reconnaissent, outre l’abrogation formelle, l’abrogation tacite qui résulte du long sommeil de la loi. »

Ici l’orateur s’attache à prouver par de nombreux exemples que, sous toutes les législations, la relation des procès célèbres, et spécialement le compte rendu des débats publics, ont été entièrement libres. Il rappelle les exemples cités par