Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/333

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sont venues environner le poëte ; j’en atteste cette affluence même de citoyens qui se pressent à votre audience. On se croit encore en présence de l’une de ces vieilles antipathies administratives contre l’indépendance et le talent. On ne conçoit pas que l’on vienne agiter judiciairement de misérables interprétations qui, pour atteindre un noble caractère, blessent la dignité royale au lieu de la défendre. Mais, avant d’aborder ces interprétations pour en faire justice, je dirai deux mots sur quelques circonstances qui ne sont pas sans intérêt. »

Après cet exorde, le défenseur aborde le premier chef de prévention, puisé dans les couplets de l’Ange Gardien. De tous les temps, dit-il, l’imagination des hommes s’est plu à créer des êtres surnaturels qui, sans être la divinité, en étaient une émanation, qui s’attachaient à chaque existence en particulier pour en adoucir les amertumes et en augmenter les félicités. Dieu protège le monde par ses lois universelles, et chaque existence aura ainsi son ange tutélaire qui la suivra dans toutes les situations. Tous les écrits qui viennent de l’Orient attestent cette consolante rêverie.

« Cependant la destinée des hommes est bien diverse. Ici le luxe étale ses jouissances en présence de l’indigence privée du nécessaire. Ici la force et la santé, et à côté les infirmités les plus cruelles. Ces contrastes ont frappé mille fois l’imagination des poëtes et des philosophes, et notre littérature est pleine des mouvements d’humeur qu’ils ont pu inspirer. Voltaire lui-même, au milieu des ressources que sa fortune, son immense réputation et son esprit pouvaient lui donner, ne supportait pas volontiers les ennuis de la vieillesse. Après les avoir décrits, voici comment il s’exprime :