Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« La religion est attaquée, s’est-on écrié, le roi est outragé, et vous le laissez sans défense. Sans croire peut-être à ces discours, il a fallu céder, et Béranger est traduit devant vous comme une preuve qu’il fallait donner de sentiments religieux et de dévouement à la personne du roi. Cette condescendance était d’ailleurs facilitée par l’espérance d’environner cette accusation d’une faveur toute particulière.

« Le prince qu’on dit outragé venait de parcourir avec bonheur cette belle province d’Alsace, si longtemps calomniée : la chute d’une administration flétrie, l’espérance d’un meilleur avenir, tout excite à la joie publique ; pourquoi ne pas garder au logis quelques couplets que d’odieuses interprétations peuvent corrompre ? « Poëte à qui la Providence a départi le génie, qui vous êtes indigné avec nous, avec nous participez à ces fêtes, à ces banquets et même à ces danses, et qu’une cantate pleine de bonheur remplace désormais l’épigramme et la satire. » Ainsi on reconnaîtra peut-être qu’il n’y a pas délit, on blâmera le moment de la publication, et cette tactique d’invention nouvelle si facile, si indulgente parfois pour ses vices, si disposée à pardonner d’anciennes corruptions, qui juge tout d’après les lois de l’utile, qui s’indigne, se calme ou admire, selon le mot d’ordre donné par l’habileté et accepté par la confiance, gardera rancune au poëte national pour avoir fourni un prétexte à de fausses et calomnieuses interprétations.

« Vaine espérance ! ce calcul sur lequel s’appuyait la pensée première de l’accusation, a été déjoué ; une nation généreuse et pleine de sens ne délaisse pas aussi facilement ses affections et sa reconnaissance. De toutes parts les marques d’intérêt