Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/338

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« Notre littérature est pleine de saillies de ce genre, et jamais on n’a eu la pensée de les attaquer. Parcourez La Fontaine, voyez cette fable du Mort et le Curé :


Un mort s’en allait tristement
S’emparer de son dernier gîte.
Un curé s’en allait gaiment
Enterrer ce mort au plus vite.


« Voilà certainement des plaisanteries. Et plus bas :


            Monsieur le mort, laissez-nous faire,
On vous en donnera de toutes les façons,
            Il ne s’agit que du salaire.


« Certes, messieurs, cette licence est plus grande que celle que vous reprochez à Béranger, et cependant, il faut le dire, La Fontaine, que je citerai quelquefois, parce que je lui trouve plusieurs traits de famille avec le poëte que je défends, était pensionné du roi et membre de l’Académie. Il vivait au siècle des dragonnades. La Fontaine a été bien heureux de n’avoir pas été protégé par les libertés constitutionnelles, que le ministère public interprète, ce me semble, d’une manière bien étrange. Sur ce point de la prévention, le ministère public s’est exprimé avec une virulence dont les termes présentent de fâcheux rapprochements, je le dis à regret, avec un journal qui le premier a signalé Béranger à la vindicte publique. Cette Gazette de France, si dévouée à la charité chrétienne, cette Gazette de France, qui défend avec son patronage les intérêts de la religion et du trône, savez-vous comment elle s’exprimait à l’égard de Béranger ? C’est, dit-elle, un rimeur impie, un sale écrivain, digne de triompher à Bicêtre. Et dans quel article le traitait-elle