Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/69

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à leurs lecteurs. À l’expérience, il m’a paru que ces indications n’étaient jamais indispensables et n’avaient, presque toujours, aucune utilité. Mais je me suis efforcé de faire sentir le geste, soit dans l’allure de la phrase, soit dans les mots eux-mêmes, et mes souvenirs de la Grèce actuelle m’ont suggéré parfois des traductions qu’à première rencontre, le lecteur jugera peut-être inexactes.

Pour peu que l’on ait vécu parmi les Grecs d’aujourd’hui, on sait comment, dans leur conversation, l’accent et le geste donnent une valeur doublée à tel mot banal : prononcées par un Moraïte qui vante les troupeaux ou les richesses de son dème, que deviennent les deux épithètes nombreux et beau ! Point n’est besoin d’un superlatif pour faire entrer ce nombre et cette beauté dans l’esprit de l’auditeur : l’accent final et le coup de voix, qui l’accompagne, suffiraient déjà sans le geste de la tête ou de la main qui les soulignent encore.

Au début de l’Odyssée, j’ai cru traduire exactement les trois beaucoup, qui reviennent en trois vers :

C’est l’homme aux Mille Tours, Muse, qu’il faut me dire, Celui qui tant erra quand, de Troade, il eut pillé la ville sainte, Celui qui visita les cités de tant d’hommes et connut leur esprit, Celui qui, sur les