Page:Büchner - La Mort de Danton, trad. Dietrich, 1889.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
238
WOZZECK

puis plus voir de roue de moulin sans devenir mélancolique !

Wozzeck. — C’est vrai, monsieur le capitaine !

Le capitaine. — Wozzeck, tu parais toujours si haletant ! Un brave homme n’agit pas ainsi, un brave homme qui a sa bonne conscience fait tout lentement…… Parle donc un peu, Wozzeck ! Quel temps fait-il aujourd’hui ?

Wozzeck. — Mauvais, monsieur le capitaine, mauvais. Du vent !

Le capitaine. — Je le sens, il y a quelque chose de rapide dehors ; un pareil vent fait sur moi l’effet d’une souris. (D’un air avisé.) Je crois que cela nous vient du nord-sud.

Wozzeck. — Oui, monsieur le capitaine.

Le capitaine. — Ha ! ha ! ha ! Nord-sud ! Ha ! ha ! ha ! Oh ! tu es bête, horriblement bête ! (Avec émotion) Wozzeck, tu es un brave homme, mais (avec dignité), Wozzeck, tu n’as aucune morale ! La morale, c’est quand on est moral, comprends-tu ? C’est un beau mot. Tu as un enfant qui n’a pas été béni par l’église, comme dit le révérendissime aumônier de la garnison, « qui n’a pas été béni par l’église » — le mot n’est pas de moi.

Wozzeck. — Monsieur le capitaine ! le bon Dieu ne se souciera pas de savoir si on a dit Amen sur le pauvre ver, avant qu’on l’ait fait. Le Seigneur a dit : Laissez venir à moi les petits enfants !

Le capitaine. — Que dis-tu là ? Quelle curieuse réponse ? Tu m’interloques tout à fait avec ta réponse. Quand je dis toi, je veux parler de toi, de toi……

Wozzeck. — Nous, pauvres gens ! Voyez-vous, monsieur le capitaine, l’argent, l’argent ! Qui n’a pas d’argent !…… Mettez avec cela votre semblable au monde d’une façon morale ! On a aussi sa chair et son sang ! Nos pareils sont pourtant bien malheureux en ce