Page:Büchner - La Mort de Danton, trad. Dietrich, 1889.djvu/324

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apparaît avec toute sa puissance dans les chants populaires, parfois aussi dans Gœthe. On peut jeter tout le reste au feu. Sans doute, il ne faut pas non plus décrire des chenils. On a voulu des figures idéalistes, mais tout ce que j’en ai vu ressemble à des poupées en bois. Cet idéalisme est le mépris le plus honteux de la nature humaine. Essayez une fois de vous plonger dans la vie du plus chétif des êtres et de la rendre avec ses convulsions, ses manifestations, toute sa mimique si subtile et à peine remarquée ; j’ai tenté cela dans le Précepteur et les Soldats. Ce sont les hommes les plus prosaïques qui existent sous le soleil ; mais la veine du sentiment est chez presque tous la même ; il n’y a de différence que dans le plus ou moins d’épaisseur de la peau à traverser. Il suffit d’avoir pour cela des yeux et des oreilles. Hier, en passant par la vallée, je vis deux jeunes filles assises sur une pierre ; l’une nouait ses cheveux, l’autre l’aidait ; la chevelure dorée de la première pendait sur son dos ; son visage était sérieux et pâle, bien qu’elle fût toute jeune, et elle était vêtue de noir ; l’autre s’efforçait de lui venir en aide. Les tableaux les plus beaux, les plus intimes, des vieux maîtres allemands, donnent à peine une idée de cela. On désirerait parfois être la tête de Méduse pour pouvoir changer en pierre un tel groupe, et appeler les gens. Elles se levèrent, le beau groupe était détruit ; mais en descen-