Page:Büchner - La Mort de Danton, trad. Dietrich, 1889.djvu/323

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maintenant, il voyait arriver un homme qui lui rappelait une infinité de choses, avec qui il devait parler, converser, qui connaissait ses affaires particulières. Oberlin ignorait tout. Il l’avait recueilli, soigné ; il voyait là-dedans un coup de la Providence qui lui avait adressé cet infortuné ; il l’aimait cordialement.

Aussi sa présence était-elle indispensable à tous. Il faisait partie de la famille comme s’il y vivait depuis très longtemps, et personne ne lui demandait d’où il était venu et où il irait. À table, Lenz retrouva sa bonne humeur ; on parla littérature, il était sur son terrain. Alors commençait la période idéaliste. Kaufmann en était partisan ; Lenz le contredit impétueusement. « Les poëtes qui, dit-on, donnent la réalité, n’en ont pourtant aucune idée ; mais ils sont en tout cas beaucoup plus supportables que ceux qui veulent transfigurer cette réalité. Le bon Dieu a bien fait le monde, tout comme il doit être, et nous ne pouvons guère barbouiller quelque chose de mieux ; notre unique effort doit être d’y ajouter un peu. Ce que je réclame en tout, c’est la vie, la possibilité de l’existence, et alors c’est bien ; nous n’avons pas à demander ensuite si c’est beau ou laid. Le sentiment d’avoir créé quelque chose de vivant l’emporte sur la beauté ou la laideur, et constitue l’unique criterium dans les choses de l’art. Cette vie, d’ailleurs, ne se rencontre que rarement : nous la trouvons dans Shakspeare, elle