Page:Büchner - La Mort de Danton, trad. Dietrich, 1889.djvu/327

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vement, beaucoup de ses idées firent de l’impression ; pour lui, il était devenu rouge à force de parler, et tantôt souriant, tantôt sérieux, il secouait sa blonde chevelure bouclée. Il s’était tout à fait oublié. Après le repas, Kaufmann le prit à part. Il avait reçu des lettres du père de Lenz : son fils devait revenir, devait l’assister. Kaufmann lui dit qu’il gaspillerait ici sa vie, qu’il la perdrait inutilement, qu’il devait se proposer un but, et ainsi de suite. Lenz lui répliqua brusquement : « Partir d’ici ! partir d’ici ! retourner chez mon père ? y devenir fou ? Tu sais que je ne puis vivre qu’ici, dans cette contrée. Si je ne puis gravir quelquefois la montagne, voir le pays, retourner ensuite à la maison, me promener dans le jardin, regarder par la fenêtre, je deviendrai fou, fou ! Laissez-moi donc en repos ! Seulement un peu de paix, maintenant que je commence à aller mieux ! Partir ! Je ne comprends pas cela ! Il suffit de ce mot pour me dégoûter du monde. Chacun a son besoin propre ; s’il peut vivre en repos, que demanderait-il de plus ! Toujours monter, lutter, rejeter perpétuellement ce qu’apporte le moment et se condamner à l’indigence pour jouir une bonne fois ! Avoir soif, tandis que des sources limpides jaillissent sur votre chemin ! Je me trouve maintenant dans un état supportable, et c’est pour cette raison que je veux rester ici. Pourquoi ? pourquoi ? Justement parce que je suis bien. Que veut mon père ?