Page:Büchner - La Mort de Danton, trad. Dietrich, 1889.djvu/328

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Peut-il me donner ce qu’il me faut ? Impossible ! Laissez-moi tranquille ». — Il s’emportait. Kaufmann s’en alla. Lenz était de mauvaise humeur.

Le lendemain, Kaufmann voulut partir ; il engagea Oberlin à l’accompagner en Suisse. Le désir de la connaissance personnelle de Lavater[1], avec qui il était depuis longtemps en correspondance, le décida. Il le promit. Il fallait attendre un jour à faire les préparatifs. Ce départ affligea Lenz. Pour se débarrasser de sa torture, il s’était cramponné anxieusement à tout ; il sentait profondé-

  1. L’auteur de la Physiognomonie, né à Zurich en 1741 et mort en 1801. Lavater est une des figures les plus curieuses de son siècle. Esprit exalté et mystique, il avait la conviction qu’il était venu sur terre pour « témoigner de la vérité divine » et dans certains cercles on le regarda comme un prophète et un saint. Toutefois, pour arriver à la gloire, il ne dédaignait pas les moyens terrestres plus ou moins avouables ; son humilité apparente recouvrait une vanité et une admiration de soi-même illimitées. En un mot, il y avait en lui du prophète et du charlatan. Aussi fut-il l’objet de bien des attaques, entre autres de la part de Wieland et du spirituel et profond Lichtenberg. Gœthe lui-même, qui, dans sa jeunesse, l’avait intimement fréquenté et avait un moment subi son influence, le juge sévèrement dans ses Mémoires et surtout dans ses Xénies, dont sept ou huit lui sont consacrées. Il y dit dans l’une (la douzième), avec une spirituelle finesse : « Comment la nature procède-t-elle pour unir dans l’homme la grandeur et la petitesse ? Elle place la vanité entre les deux. » Et dans une autre (la vingtième), très durement : « Il est dommage que la nature n’ait tiré de toi qu’un seul individu ! car il y avait de l’étoffe et pour un homme honorable et pour un coquin. » (Note du traducteur).