Page:Büchner - La Mort de Danton, trad. Dietrich, 1889.djvu/337

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dement au-dessus de la lune, tantôt enveloppant tout dans l’obscurité, tantôt montrant le paysage, qui disparaissait à la lueur de l’astre nocturne comme un brouillard. Il courait en tous sens. Dans sa poitrine retentissait un hymne de triomphe infernal. Le vent résonnait comme un chant de Titan. Il lui semblait pouvoir lancer jusqu’au ciel un poing formidable, en arracher Dieu et le traîner entre ses nuages ; pouvoir broyer le monde sous ses dents et le cracher au visage du Créateur ; il jurait, il blasphémait. Il arriva ainsi au haut de la montagne. La lumière incertaine s’étendait au bas, là où gisaient les masses blanches pierreuses. Le ciel était un œil bleu stupide, et la lune y apparaissait risiblement, comme une niaise. Lenz ne put s’empêcher de rire tout haut, et avec le rire l’athéisme pénétra en lui et le saisit d’une façon sûre, calme, ferme. Il ne se rappelait plus ce qui tout à l’heure l’avait tant ému, il avait froid, il pensait qu’il voudrait bien aller se coucher, et il traversa de sang-froid et sans trembler l’obscurité inquiétante. — Tout pour lui était vide et creux ; il courut à son lit.

Le lendemain il ressentit une grande horreur de son état de la veille ; il était maintenant sur l’abîme, poussé par un désir insensé d’y regarder sans cesse et de renouveler sa torture. Alors son angoisse s’accrut, le péché et le Saint-Esprit se présentèrent à ses yeux.