Page:Büchner - La Mort de Danton, trad. Dietrich, 1889.djvu/350

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sissait à mesure qu’ils approchaient de Strasbourg ; c’était presque pleine lune, tous les objets éloignés étaient sombres ; seule la montagne voisine formait une ligne nettement dessinée ; la terre était comme une coupe d’or sur laquelle couraient en écumant les vagues argentées de la lune. Lenz regardait fixement devant lui, sans pensée, sans désir ; seulement, une sourde anxiété croissait en lui à proportion que les objets se perdaient dans l’obscurité. On dut descendre ; alors il fit de nouveau plusieurs tentatives pour attenter à sa vie, mais il était trop bien surveillé. Le lendemain matin, par un temps sombre et pluvieux, il entra dans Strasbourg. Il paraissait très raisonnable, il causait avec les gens ; il faisait tout comme les autres ; mais il y avait en lui un vide effroyable, il n’éprouvait plus aucune crainte, aucun désir ; son existence était pour lui un fardeau nécessaire… C’est ainsi que se passait sa vie[1]

  1. C’est le 20 janvier 1778 que Lenz était arrivé chez Oberlin ; il y resta jusqu’à la fin de février, époque où le pasteur, comme nous le voyons ici, comprenant qu’il ne pouvait le garder plus longtemps sans exposer sa sécurité et celle des siens, le fit conduire à Strasbourg, où il demeura plusieurs semaines, confié à des mains sûres. De là il se rendit à Emmendigen, auprès de Schlosser, qui venait de perdre sa femme, sœur de Gœthe et amie de Lenz. La démence de celui-ci, un peu calmée pour le moment, s’étant bientôt déchaînée plus furieuse que jamais, Schlosser mit le malheureux en pension chez un brave cordonnier du pays. Lenz redevint tranquille et commença même, avec un entrain