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à Saint-Sabba, où le plus jeune de ses enfants — qui devait devenir patriarche de Jérusalem — vint aussi passer une partie de sa vie. Les rapports entre Édesse et Saint-Sabba semblent donc avoir été fréquents à cette époque.

Aussi, c’est dans ce monastère qu’Abou-Kurra se perfectionna dans la science grecque et dans la nouvelle philosophie chrétienne fondée par son maître Jean Damascène, dont il fut plus tard l’imitateur et l’interprète ; de sorte que nous pouvons dire : Il lui était réservé de mettre dans un arabe pur et classique la doctrine grecque de saint Jean Damascène[1].

D’après Michel, Théodore fut nommé évêque de Haran de Mésopotamie[2]. Édesse avait perdu beaucoup de son ancienne splendeur ; ses murs étaient ruinés et elle était un objet de pillage pour ceux qui se révoltaient contre les Califes[3]. Haran avait plus d’importance ; elle était un centre religieux non seulement pour les païens qui y étaient nombreux, mais encore pour les juifs, les musulmans et les chrétiens de toutes les communautés. Outre les Catholiques, les Nestoriens et les Jacobites y possédaient de belles églises, objets de la jalousie des infidèles[4]. Les Manichéens, ancêtres, selon quelques-uns, des Yezidis d’aujourd’hui, y étaient aussi nombreux ; les historiens syriens et arabes nous renseignent suffisamment sur l’existence de ces sectaires à Haran[5]. Les autres sectes que Théodore combat dans ses écrits, en grec et en arabe, devaient avoir des représentants à Haran et dans son voisinage. Michel rapporte que Cyriacus, le patriarche jacobite à cette époque, y réunit un synode dans lequel étaient les évêques julianistes et leur chef Gabriel, avec les évêques jacobites, en vue de faire l’union entre les deux partis ; mais il ne réussit pas[6].

Les Catholiques ne devaient donc pas être bien nombreux à Haran ; on leur donnait le nom de Melchites[7] et de Chalcédoniens, parce qu’ils étaient soumis aux décrets du IVe Concile œcuménique de Chalcédoine ; on les appelait encore Maximites pour les distinguer des Monothélites qui

  1. Les Œuvres de saint Jean Damascène ont été toutes traduites en arabe dans le xie siècle. Cette traduction n’égale pas, dans son expression, la composition originale d’Abou-Kurra.
  2. Il y a encore actuellement une autre localité qui porte le nom de Haran dans le désert de Damas, ou plutôt dans le désert d’Alegea. Elle dépendait du patriarcat, mais, après la conquête arabe, ayant été ruinée, elle avait perdu son siège épiscopal. Une lumière de l’Église comme Abou-Kurra ne doit pas être cachée là-bas.
  3. Mich., t. III, p. 22.
  4. Mich., t. III, p. 47.
  5. Mich., t. III, p. 34.
  6. Mich., t. III, p. 13-15.
  7. Melchites veut dire « Impériaux. » Les Jacobites, par mépris, appelaient ainsi les Catholiques qui étaient séparés d’eux par leur soumission à ce Concile ; ils les insultaient parce qu’ils obéissaient à l’empereur Marcien qui convoqua ce Synode et employa la force pour l’exécution de ses décrets. C’est le vrai sens de ce nom, selon les documents anciens, qui en cela sont unanimes. En général, tous les anciens écrivains orientaux : Melchites, Nestoriens, Jacobites, Syriens, Coptes, Musulmans, ne disent pas autrement en parlant des Melchites ou du Synode de Chalcédoine. Ce n’est pas pour cause politique que les grecs de Syrie et d’Égypte ont reçu ce nom, comme le prétend Assemani dans sa Bibliothèque Orientale, t. I, p. 508.