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tamie[1] ; Abou-Kurra lui-même le déclare dans le xxiiie chap. de son traité sur le Culte des saintes Images, en appelant Édesse « notre ville. »

On ne connaît pas exactement l’année de sa naissance ; mais on doit la placer dans la première moitié du viiie siècle pour qu’il puisse avoir vu saint Jean Damascène, qui est mort avant 754[2] et qu’Abou-Kurra reconnaît pour son maître[3].

De même on ne sait presque rien de la jeunesse de Théodore, mais on est en droit de croire qu’il a commencé ses études à Édesse sa patrie, ville célèbre par ses écoles ; et, plus tard, il les a achevées au couvent de Saint-Sabba en Palestine, où il se fit religieux et fut disciple de saint Jean Damascène. Il écrit, en effet, dans sa lettre à son ami David, « qu’ils se sont rencontrés la première fois à Jérusalem, où ils ont prié ensemble. » Cette lettre paraît même avoir été écrite à Saint-Sabba[4]. Cela résulte encore de sa lettre dogmatique rédigée en arabe et traduite en grec par Michel, prêtre et syncelle de Thomas, patriarche de Jérusalem, et de son titre glorieux de disciple de saint Jean Damascène.

Ce célèbre monastère fut pendant plusieurs siècles la principale pépinière d’évêques pour les trois patriarcats de Jérusalem, d’Antioche et d’Alexandrie. On voit à cette époque, à Saint-Sabba, un autre Théodore d’Édesse, qui devint supérieur et, plus tard, archevêque d’Édesse ; il avait avec lui, dans ce monastère, un de ses parents qui se nommait Michel et qui souffrit le martyre à Jérusalem. Basile, évêque d’Émèse, qui a écrit en grec la biographie de l’Archevêque d’Édesse, était son neveu, son diacre et son compagnon à Saint-Sabba[5]. Basile, évêque d’Hiérapolis (Mabboug), qui a écrit cette biographie en arabe, se vante d’être le disciple de ce saint Théodore[6]. On voit aussi dans cette biographie qu’un homme riche d’Édesse, après avoir quitté sa femme et ses enfants, vint se faire religieux

  1. Abou-Kurra est un nom arabe composé de deux mots : Abou, déclinable, veut dire père et, dans le sens figuré, cause ; et Kurrat veut dire joie et bonheur. Les Arabes emploient ces noms comme adjectifs pour exprimer simplement une bonne qualité ; c’est pourquoi des évêques les portent, comme Aboul-Farage, Abou-Raïta, etc. Abou-Kurra signifie donc cause de joie et de bonheur, et non père de Carie ou évêque de Carie, comme l’ont dit quelques savants qui ont confondu ce Théodore Abou-Kurra, évêque de Haran, avec un autre Théodore, évêque de Carie, qui fut d’abord l’ami de Photius et devint ensuite son adversaire. L’évêque de Carie ne put jamais écrire en arabe ou en syriaque, ni avoir aucune relation avec les califes arabes. La ressemblance de l’orthographe ancienne de ces mots : Carie, Charres et Aboucara, selon l’orthographe grecque, ne doit pas confondre ces deux Théodore. Nous avons pensé mieux d’abandonner l’ancienne orthographe grecque Aboucara et écrire ainsi Abou-Kurra, selon la prononciation arabe la plus exacte.
  2. Cf. Krumbacher, Byzantinische Litteraturgeschichte. 2e édition, p. 68.
  3. Pour placer plus tard la naissance de Théodore, il faut forcer le sens de « Maître » et le prendre dans celui de Docteur dont on étudie les écrits.
  4. Cf. p. 11.
  5. Cf. Krumbacher, loc. cit., p. 151-152. Cette biographie a été éditée par M. Pourjalousky à Saint-Pétersbourg, 1892, en grec ; mais la biographie arabe n’est pas encore utilisée.
  6. Le ms. 147 arabe de la Bibliothèque Nationale de Paris renferme cette biographie. J’en possède deux copies, dont l’une a été écrite à Saint-Sabba au xve siècle.