Page:Bacon - Œuvres, tome 10.djvu/267

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le commencement, s’étant proposé un but noble et fixe, qui est pour eux comme le terme du voyage, et la borne placée au bout de la carrière, se sentent avancer de jour en jour, et insensiblement vers ce but, sont-ils ordinairement très vivaces ; si, au contraire, étant parvenus à ce but et au terme de toutes leurs espérances, ils n’ont plus rien à désirer, alors ils tombent dans l’abattement, et ne survivent pas long-temps à leur activité : en sorte que l’espérance semble être de la joie en feuille (ou de la joie laminée), vu qu’elle est, pour ainsi dire, ductile et extensible à l’infini, ainsi que l’or.

    l’immortalité de l’âme : si l’homme vit d’espérance, il est clair que, pour prolonger sa vie, il faut placer au-delà de cette vie, le terme de ses espérances, afin que, ne pouvant jamais y arriver, il conserve toujours ce sentiment ; car, s’il attache son bonheur à une réalité, sitôt qu’il l’a saisie, le plaisir lui échappe. Aussi voit-on que la nature a attaché notre bonheur à des illusions nourries par des privations, et qu’après la possession, elle baisse la toile.