Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de lui en écrire. M Descartes fut extrémement surpris de la proposition de M De Marcheville, parce qu’il ne croyoit pas être connu de luy, et qu’ils n’avoient rélation ensemble par aucun endroit. C’est ce qui lui rendit suspecte la fidélité du Sieur Ferrier, et qui l’obligea d’en récrire au P Mersenne en ces termes. Il y a huit jours que j’ay reçû du Sieur F une lettre, par laquelle il me convie comme de la part de M De Marcheville à faire le voyage de Constantinople. Je me suis mocqué de cela : car outre que je suis maintenant fort éloigné du dessein de voiager, j’ay crû plûtôt que c’étoit une feinte de mon homme pour m’obliger à luy répondre, que de m’imaginer que M De Marcheville, de qui je n’ay point du tout l’honneur d’être connu, luy en eût donné charge, comme il me le mande. Néanmoins, si par hazard cela étoit vray, ce que vous pourrez sçavoir sans doute de M Gassendi qui doit faire le voyage avec luy ; je seray bien aise qu’il sçache que je me ressens extrémement obligé à le servir pour les offres honnêtes qu’il me fait, et que j’eusse cheri une telle occasion il y a quatre ou cinq ans, comme l’une des meilleures fortunes qui eussent pu m’arriver. Mais je suis maintenant occupé à des desseins qui ne me la peuvent permettre : et M Gassendi m’obligeroit extrémement, s’il vouloit prendre la peine de luy dire cela de ma part, et de luy témoigner que je suis son trés-humble serviteur. Pour le Sieur Ferrier, comme ce n’est pas un homme sur les lettres de qui je me voulusses assurer pour prendre quelque résolution, aussi n’ay-je pas crû devoir lui faire réponse. Je seray bien-aise que vous fassiez voir à M Gassendi ce que je vous écris sur ce sujet, et que vous l’assuriez que je l’estime et l’honnore extrémement. Je lui aurois écrit particuliérement pour cela, si j’eusse pensé que ce qu’on me mandoit fût véritable. Au reste je seray bien-aise qu’on sçache que je ne suis pas, graces à dieu, en condition de voyager, pour chercher fortune ; et que je suis assez content de celle que je posséde, pour ne me mettre pas en peine d’en avoir une autre : mais que si je voyage quelquefois, c’est seulement pour apprendre, et pour contenter ma curiosité.

M Descartes ne fut pas le seul qui manqua au voyage de Constantinople. M Gassendi