Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/302

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malgré toute l’envie qu’il en témoignoit ne put en être. Bouchard et Holstenius avec toute leur diligence ne purent tenir leurs affaires prêtes pour le têms du départ, quoique M De Marcheville eût été obligé de le différer jusqu’au 20 jour de Juillet 1631. Il n’y eut de tant de sçavans que M De Chasteüil qui s’embarqua à Marseille avec m. L’ambassadeur. Ce n’étoit pas dans le dessein de rechercher des manuscrits ni de faire des observations physiques que M De Chasteüil entreprenoit ce voyage. Mais il avoit engagé à sa compagnie le P Minuti, qui quelque têms auparavant avoit rapporté du levant à M De Peiresc, un beau manuscrit du pentateuque samaritain sur lequel M De Chasteüil avoit fait de sçavantes notes, et qui étoit encore chargé par le même M De Peiresc de rechercher et d’acheter ce qu’il pourroit trouver de manuscrits de langues orientales, comme avoit fait Golius.

M De Chasteüil surnommé le solitaire du mont Liban, étoit un gentil-homme de la ville d’Aix En Provence, plus âgé que M Descartes d’un peu plus de sept ans et demi. Il s’étoit fait remarquer dés sa prémiére jeunesse par la pratique des vertus chrétiennes, et par l’éxercice de ses études dans les sçiences humaines, et particuliérement dans les mathématiques et les langues orientales. Il avoit renoncé ensuite aux mathématiques, et sur tout à l’astrologie, pour se réduire à l’unique étude de l’ecriture sainte selon le sens littéral.

Cette étude acheva de le dégouter de la compagnie des personnes du monde, et augmenta beaucoup l’amour de la solitude, que l’application aux mathématiques lui avoit donné. Elle lui inspira même le desir d’abandonner ses parens et son propre pays, pour se retirer dans des lieux où il ne pût être connu ni fréquenté des personnes de sa connoissance. Il crut que le mont Liban pourroit lui fournir la retraitte la plus avantageuse qu’il eût sçû trouver pour ses fins, tant parce que les maronites qui y habitent sont des peuples catholiques, soumis au s. Siége, vivans dans la misére et la pauvreté, que parce qu’il espéroit trouver dans les monastéres de ses deserts des religieux assez intelligens dans les langues orientales, pour lui lever les difficultez de l’ecriture sainte, que les sçavans de l’