Page:Bainville - Bismarck.djvu/275

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Quand About mettait en scène le personnage ridicule de Mathias von Teufelsschwanz (littéralement Mathias qui tire le diable par la queue), il traduisait l’opinion libérale, remplie de tendresse pour le peuple allemand, les idées allemandes, la sentimentalité germanique, mais accoutumée à traiter par le mépris et la dérision les princes et les gouvernements réduits à l’impuissance durant tout le siècle.

Les espoirs allemands, dit le Messager, paraissaient alors tellement chimériques, que, pour des hommes comme About, ils ne pouvaient être que l’objet de plaisanteries. Par frivolité, par négligence, par une coupable présomption nationale (ajoutons : par aveuglement libéral) le protégé de Napoléon III, ainsi que la plupart des Français de la fin du second Empire, négligeait d’accorder de l’importance à ce qui se passait outre-Rhin. Le malheureux ne se doutait pas que Mathias von Teufelsschwanz n’était pas une fiction, que loin d’être ridicule, il avait toutes les capacités d’un grand prince et qu’il s’appelait en réalité Guillaume Ier. Personne alors à de rares exceptions près, ne croyait au réveil national des Germanies. Qui donc pouvait se douter que le vieil esprit de conquêtes et de rapines du Saint-Empire n’était pas à jamais disparu ? On avait foi en l’Allemagne rêveuse et mystique tant prônée par Mme de Staël, et tous les efforts vers la force et l’unité semblaient être les soubresauts de l’impuissance. Un peuple de penseurs et de poètes : cette folie était enracinée dans tous les cerveaux. Renan y croyait, Taine y croyait. Les écrivains de la Revue germanique en avaient fait un Credo. Qui donc aurait pu s’attendre au sanglant démenti de 1870 ?

Le Messager fait toucher ici du doigt la grande illusion libérale, romantique, révolutionnaire, qui eut son point de départ avec Mme de Staël et fut