Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/203

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rieure de la deuxième République. Sur les apparences qui s’offraient alors à ses yeux, Lamartine raisonnait peut-être avec justesse. Mais il raisonnait sur des apparences, et le fond des choses lui échappait. Il voyait sans doute que, dans ces mouvements populaires qui se propageaient un peu partout, le libéralisme et le nationalisme étaient mélangés. Il n’apercevait pas que tous deux ne pourraient pas coexister bien longtemps, que l’un finirait par manger l’autre, et que, le nationalisme étant le plus fort, c’était lui qui l’emporterait et qui déterminerait les formes politiques des peuples nouvellement unis ou libérés. Mais si grande était la confiance de Lamartine dans l’avenir et dans la vertu de la démocratie, qu’il voyait déjà l’Allemagne elle-même rendant à la Pologne son indépendance par un grand mouvement généreux. Aux Polonais qui réclamaient l’intervention de la France, il montrait la « nouvelle fédération germanique » prête à « émanciper les faibles », et il déclarait « traître à la liberté du monde » celui qui voudrait attaquer l’Allemagne et la troubler dans cette sublime gestation.

Avant d’être la ville où serait signée la plus brutale des paix, Francfort avait été pendant quelques mois la ville sainte du libéralisme allemand, vénérée par le libéralisme européen. Le Parlement de Francfort se réunissait presque en même temps que l’Assemblée nationale. Dans cette rencontre, Lamartine voyait un heureux augure et l’image de l’avenir. Il disait dans son rapport du 8 mai sur les relations extérieures :

« L’idée d’un parlement constituant, en permanence au cœur de l’Allemagne, surgit au contact de nos idées. La liberté de plus en plus démocratique de l’Allemagne prendra nécessairement son appui sur une puissance démocratique aussi, sans autre ambition que l’alliance des principes et la sûreté des territoires : c’est nommer la France. Les bases de ce Parlement, délibérées à Francfort à la fin de mars, présagent les destinées nouvelles de l’Allemagne. Ainsi, de toutes parts, depuis la proclamation de la République, sous des formes variées et analogues au génie des peuples, l’indépendance, la liberté, la démocratie s’organisent sur le type français. »

Il n’y avait, en effet, aucune raison de douter du libéralisme