Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/367

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l’assemblée commença, comme toutes les assemblées en pareil cas, par nommer une commission d’enquête qui exigea l’institution d’un conseil de surveillance auprès du dauphin et des fonctionnaires publics, ainsi qu’un comité de l’armée, chargé « d’ordonner pour le fait des guerres ». C’était une tentative de gouvernement parlementaire et, tout de suite, la politique apparut. Il y eut un parti navarrais aux États. Une des requêtes présentées par la commission tendait à mettre en liberté le roi de Navarre, illégalement retenu.

Les choses, ayant pris ce tour, devaient vite empirer. Aux requêtes des États, le dauphin avait répondu d’une façon dilatoire et demandé d’en référer à son père. Cependant la confusion s’aggravait dans le pays. Les Anglais et les Navarrais dévastaient les campagnes. Des bandes armées, les grandes compagnies, se livraient au brigandage. Paris, qui s’entourait en hâte de murs, s’emplissait de réfugiés qui répandaient l’alarme et la fièvre. Plusieurs émeutes avertirent le dauphin qu’il eût à céder aux États Généraux. Comme il disait plus tard : « Dissimuler contre la fureur des gens pervers, quand c’est besoin, est grand sens. » Il venait de rendre une ordonnance qui donnait satisfaction aux députés sur plusieurs points, sauf sur celui du roi de Navarre, lorsque le roi Jean fit savoir de Londres qu’une trêve étant signée avec l’Angleterre, il n’y avait plus lieu de voter les impôts proposés par les États, ni, par conséquent, de tenir la session de Pâques. L’agitation de Paris s’accrut et, dès lors, Étienne Marcel se comporta en véritable chef révolutionnaire. Il fallait au mouvement l’appui d’un parti et d’un nom. Un coup de main délivra Charles le Mauvais, qui, par la complicité du prévôt des marchands, vint à Paris et harangua le peuple. Cependant Étienne Marcel faisait prendre à ses partisans des cocardes rouges et bleues. Son plan était d’humilier le dauphin, de détruire son prestige et ce qui lui restait d’autorité. Un jour, s’étant rendu au Louvre avec une troupe en armes et suivi d’une grande foule, il adressa au dauphin de violentes remontrances. Puis, sur un signe du prévôt, les deux maréchaux, conseillers du jeune prince, qui se tenaient auprès de lui, furent assassinés sous ses yeux. Le dauphin lui-même, couvert de leur sang, fut coiffé par Étienne Marcel du cha-