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CHAPITRE XIX

LA MONARCHIE DE JUILLET


Une des plus grandes illusions qu’on puisse avoir en politique, c’est de croire qu’on a bâti pour l’éternité. Les hommes qui avaient appelé au trône un Bourbon de la branche cadette étaient convaincus qu’ils avaient trouvé la solution idéale. Qui était le duc d’Orléans ? Le fils de Philippe-Égalité. Son père était un régicide. Lui-même avait combattu à Jemmapes. Il réconciliait dans sa personne la Révolution et l’ancien régime, le passé et le présent. On crut avoir touché au port. Un historien goûté des classes moyennes, Augustin Thierry, écrivit un ouvrage où il démontrait que toute l’histoire de France n’avait tendu qu’à l’avènement de cette royauté bourgeoise.

La monarchie de Juillet portait en elle-même une grande faiblesse. Elle était née sur les barricades. Elle était sortie d’une émeute tournée en révolution. Et cette révolution avait été soustraite à ceux qui l’avaient faite par des hommes politiques qui n’avaient pas paru dans la bagarre, qui en avaient même horreur, mais qui, tenant une combinaison toute prête, avaient profité des événements pour l’imposer. Cette combinaison était artificielle. L’émeute avait éclaté à Paris et s’il était entendu, depuis 1789, que Paris donnait le ton à la France, la grande masse du pays était restée étrangère au renversement de Charles X autant qu’à la fondation du régime nouveau. Quant aux libéraux qui avaient substitué le duc d’Orléans au souverain détrôné, ils représentaient le « pays légal », les électeurs censitaires, c’est-à-dire deux cent milliers de personnes en tout. Il allait donc se produire ceci : les vainqueurs des journées de Juillet, républicains et bonapar-