Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/377

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venir[1], n’a point d’origine ni dans le temps, ni dans une idée panthéiste, ni dans un autre genre quel-

  1. Les positivistes s’élèvent fortement et avec beaucoup de raison contre les abstractions métaphysiques ou contre les entités qui ne représentent que des noms, pas des choses. Et pourtant ils se servent eux-mêmes de quelques entités métaphysiques, au grand détriment de la positivité de leur science. Par exemple, que signifie ce mot matière, représentant quelque chose d’absolu, d’uniforme et d’unique, une sorte de substratum universel de toutes les choses déterminées, relatives et réellement existantes ? Mais qui a jamais vu cette matière absolue, uniforme et unique ? Personne, que je sache. Ce que tout le monde a vu et voit à chaque instant de la vie, c’est une quantité de corps matériels, composés ou simples, et différemment déterminés. Qu’entend-on par ces |209 mots : corps matériels ? Des corps réellement existants dans l’espace, et qui, malgré toute leur diversité, possèdent en commun toutes les propriétés physiques. Ces propriétés communes constituent leur commune nature matérielle, et c’est à cette nature commune que, en faisant abstraction de toutes les choses dans lesquelles elle se manifeste, on donne ce nom absolu ou métaphysique de matière. Mais une nature commune, un caractère commun n’existe pas en lui-même, par lui-même, en dehors des choses ou des corps distincts et réels auxquels il se trouve attaché. Donc la matière absolue, uniforme et unique dont parle M. Littré n’est rien qu’une abstraction, une entité métaphysique et qui n’a d’existence que dans notre esprit. Ce qui existe réellement, ce sont les corps différents, composés ou simples ; et en supposant tous les corps existants, organiques et inorganiques, décomposés en leurs éléments simples, ce qui existera alors ce seront ces corps simples, ayant également tous toutes les propriétés physiques à des degrés différents, et chimiquement différenciés dans ce sens que, par une loi d’affinité qui leur est propre, chacun, en se combinant avec certains autres, dans des proportions déterminées, peut composer avec eux des corps nouveaux, plus compliqués, en donnant lieu à des phénomènes divers qui sont propres à chaque combinaison particulière. Par conséquent, si nous pouvions connaître tous les éléments chimiques ou corps simples et tous les modes de leurs combinaisons mutuelles, nous pourrions dire que nous connaissons la substance de la matière, ou plutôt de toutes les choses matérielles qui constituent l’Univers. (Note de Bakounine.)