Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/129

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d’État, et gens de la cour de Napoléon III, d’abord pour les empêcher de faire de la réaction dans les campagnes de France, et ensuite pour leur faire dégorger tout ce qu’ils ont si honorablement gagné avec la permission de leur maître ? On les aurait tenus en prison jusqu’à la fin de la guerre, puis on leur aurait permis de partir, en laissant à chacun quelques mille livres de rente, afin qu’ils puissent nourrir leur vieillesse et leur honte. Cela aurait produit encore au moins un milliard positif et un milliard négatif, en tout deux milliards.

Tu vois, cher ami, je ne dis pas qu’il eût fallu guillotiner tous ces coquins. Ce serait retomber dans les errements du jacobinisme de 1793 et 1794, système suranné et impuissant, « parole ridicule et malsaine », comme l’a dit avec beaucoup de raison M. Gambetta dans sa fameuse lettre adressée au Progrès de Lyon[1]. Ce système a contre lui l’épreuve historique, car il a produit tout le contraire de ce qu’il voulait atteindre : la guillotine, cet instrument incisif de l’État, n’a point tué la réaction, elle l’a fait revivre. Et d’ailleurs, comme l’immense majorité de la bourgeoisie est réactionnaire, il aurait fallu, pour exterminer la réaction aujourd’hui, couper dix fois plus de têtes que Marat |25 ne l’avait osé rêver dans ses nuits les plus sombres. Verser le sang à froid, avec tout l’accompagnement

  1. Cette lettre, écrite en août 1870, avait été analysée par Bakounine dans une longue note du manuscrit des Lettres à un Français. Voir t. II, p. 236. — J. G.